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Crocus, constellations et satellites

Tout en respectant les mesures de sécurité promulguées par le conseil fédéral, nous décidons d’élargir l’horizon de notre petit appartement pour profiter, cette nuit, de l’immensité du ciel et nous offrir un peu d’espace. La lune gibbeuse décroissante, un ciel parfaitement dégagé et une température clémente sont autant de paramètres qui promettent un spectacle magnifique.

Nous quittons en catimini la maison pour rejoindre le Jura vaudois. Après une bonne marche dans la forêt, loin des sentiers battus, nous arrivons enfin sur la crête au coucher du soleil. Une inspection rapide des lieux, nous permet de trouver un replat confortable pour installer nos sacs de couchage. Partiellement cachés au pied d’un buisson de genévrier, installés à bon vent, nous aurons peut-être même la chance d’apercevoir une bête dans le pâturage cette nuit…

L’heure solennelle de l’apéro a sonné et notre fils cadet est très fier d’ouvrir sa première bouteille de vin avec le tire-bouchon d’un couteau suisse. Nous jouissons pleinement de cette liberté retrouvée.  Le sol reprend vie lui aussi, après avoir été écrasé de longs mois par le manteau neigeux. Une myriade de crocus illumine le pré comme des constellations dans le ciel nocturne.

Nous profitons des derniers rayons de soleil pour lire ou dessiner, avant de nous glisser dans nos sacs de couchage. La lumière décline et nous sommes bien, couchés les uns à côté des autres, à méditer en silence. Après les derniers trilles des oiseaux, plus un bruit, pas même celui d’un avion ! Il n’y a d’ailleurs aucun sillon visible dans le ciel. Du jamais vu !

Une planète brille seule, avant l’apparition timide des premières étoiles dans le ciel qui s’assombrit. Voilà la Grande Ourse, ici les Gémeaux et là-bas vers l’ouest c’est Orion que l’on reconnaît facilement grâce à ses trois étoiles en ligne. Alors que nous cherchons à identifier les constellations, notre attention est captée soudain par plusieurs satellites qui se suivent à distance régulière. Nous assistons médusés à ce vilain carrousel de points lumineux qui semble ne jamais s’arrêter. Vers 23 heures, le splendide lever de lune nous fera oublier ce train de satellites et nous reconnectera à la beauté du ciel…

Nous apprendrons le lendemain que l’envoi de ces innombrables satellites-et ce ne sont que les premiers- est l’œuvre de deux milliardaires « bienfaiteurs » qui souhaitent « offrir » à l’humanité une connexion internet en tous points du globe…

Comment est-il possible qu’aucun veto n’ait été opposé à l’apparition d’une aussi vilaine balafre dans l’harmonieuse voûte céleste ? La beauté du ciel ne justifierait-elle pas son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO?