A la sortie de notre pays, à l’endroit où le Rhône s’est frayé un passage entre le Vuache et le Jura, un château a été établi dès le 13ème siècle par les sires de Gex. Devenu un fort militaire dès le 16ème siècle, afin d’en contrôler le défilé, il longe l’arête de la montagne jusqu’au fleuve en contrebas. Ce fort de l’Ecluse (anciennement de la Cluse) dévoile aujourd’hui plusieurs siècles d’architectures militaires. Abandonnées et presque tombées en ruine, les vastes salles reliées par des volées d’escaliers interminables ont été le décor de fêtes clandestines en tous genres, jusqu’à la réhabilitation du site en musée, il y a quelques années seulement.
Le Fort de l’Ecluse protège aujourd’hui une belle population de chauves-souris qui trouve refuge dans les interstices des murs de pierres, sous les voûtes obscures et dans les galeries souterraines.
Plusieurs grands rhinolophes ont pris l’habitude d’hiberner dans les tréfonds du Fort, dont la température en hiver est fraîche et constante. Cette grande chauve-souris a disparu du plateau suisse, chassée par l’agriculture intensive et empoisonnée par les pesticides. Seuls quelques reliquats de population subsistent dans les vallées alpines et dans les régions limitrophes de notre pays.
C’est dans l’espoir d’une rencontre avec cet animal peu connu que je participe aujourd’hui à un recensement des chiroptères des lieux avec mon ami Cyril, accompagné du conservateur du musée qui nous ouvre les accès de lieux fermés au public. La visite n’est pas de tout repos puisque nous gravissons des escaliers sans fin, pour passer d’un étage à un autre afin d’examiner les salles innombrables.
En éclairant les parois d’une galerie étroite, de la hauteur d’un homme, notre faisceau touche une tache sombre qui semble pendre le long du mur. Pour mon plus grand bonheur, nous identifions sans peine le grand rhinolophe qui dort, suspendu à la voûte, emballé dans ses ailes. On ne devine pas grand-chose et je dois m’approcher pour apprécier les menus détails, comme le petit bout de la curieuse feuille nasale surmontée d’une lancette qui a donné son nom à la chauve-souris. Mais il ne faut surtout pas réveiller l’animal qui hiberne et comme notre simple présence suffit à réchauffer l’atmosphère environnant, je dois le dessiner rapidement, partir un moment et revenir pour plusieurs courtes sessions, sans jamais l’éclairer directement.