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Rencontre avec un géant

Encore une journée de patience avant de pouvoir retourner naviguer. Nous mettons ce temps à profit pour visiter un tube de lave refroidi qui date de la dernière éruption du Pico, il y a 300’000 ans. Accompagnés d’autres touristes, nous avançons dans cette grotte, dont les parois et le plafond paré de stalactites, sont noirs et par endroits vitrifiés, comme si l’on avait recouvert une parties des murs d’une couche de peinture brillante. Quelques bactéries blanches et des suintements rouges ferrugineux égayent un peu le sombre tunnel. Nous progressons sur les plis pétrifiés de la lave qui a coulé par bourrelets successifs. Après cette visite étonnante, nous regagnons le village, après avoir traversé, dans les montagnes, une petite forêt de laurier, vestige de la forêt primitive qui recouvrait autrefois toutes les îles des Açores. Arrivé au Centre d’étude, nous prenons des nouvelles de la météo pour le lendemain. Elle s’annonce excellente…

Le vent est enfin tombé quand nous arrivons au port ce matin et la mer est particulièrement calme, ce qui n’est pas habituel ici. Notre balade en mer s’annonce donc sous de très bons auspices, car la vue porte au loin et multiplie les chances de repérer un souffle ou un dos de cétacé. Nous glissons sur la mer en direction du sud-est, dans la lumière éblouissante des reflets du soleil qui se cassent en mille morceaux jusqu’à l’horizon. Les gloires percent à travers un des rares nuages, rendant encore plus solennelle notre visite en ces lieux.

Nous n’attendrons pas très longtemps avant d’apercevoir le souffle tant espéré ! Puissant et partant à l’horizontale, c’est la signature d’un très gros cachalot.

Nous l’approchons au petit moteur en veillant à garder toutefois une certaine distance pour ne pas déranger l’animal. En suivant sa course, nous le voyons émerger à chacune de ses respirations. Le souffle et la grosse tête carrée, puis le corps, comme un long tronc d’arbre bosselé. Sa peau est de couleur brune et curieusement plissée comme les bourrelets de laves que j’ai dessiné la veille. Encore une respiration. Cette fois le corps émerge un peu plus. Attention, nous dit le skipper, il va sonder ! Le cachalot émerge une dernière fois, encore plus haut, déroule toute la crête de son dos jusqu’à nous dévoiler un court instant sa magnifique queue qui émerge des flots, ruisselante. Il a plongé en laissant à la surface de l’eau une gigantesque lentille, lisse comme un miroir. Nous ne pouvons plus que l’imaginer maintenant. Il évolue dans un monde qui nous échappe, plongeant vers la nuit des profondeurs abyssales, en quête de grands calamars qu’il repère par écholocation.